Rencontre avec Léo Lemée, prix du jury LISAA Mode 2023 avec sa collection « Maquisard »
Lauréat du prix du jury et major de promotion, Léo Lemée a marqué les esprits lors du défilé de LISAA Mode Paris avec sa collection Maquisard inspirée d’un tableau de l’impressionniste Henri-Edmond Cross. Un événement unique pour Léo qui marque la fin de trois années d’études et son entrée dans la vie professionnelle en tant que designer de mode. Entretien.
Quel a été ton parcours ?
Après mon bac j’ai travaillé une année puis j’ai voulu faire de la joaillerie, des bijoux pour la femme. En parallèle j’ai commencé à coudre un peu et je voulais faire quelque chose de plus général dans la mode pour pouvoir faire des accessoires, des vêtements... J’ai toujours aimé la mode mais c'est vrai qu'au début je ne me voyais pas forcément en faire mes études, je pensais que je n’étais pas légitime à faire de la mode, que ça n’était pas pour moi. Aujourd'hui, je ne me verrai pas faire autre chose.
LISAA m’a rapidement attiré car l’ambiance avait l’air agréable et ça paraissait être un espace safe pour étudier et créer. J’ai fait le Bachelor stylisme option modélisme. C’était incroyable. Quand je vois les élèves faire leur rentrée aujourd’hui je suis un peu nostalgique.
Qu’est-ce que tu retiens de ta scolarité à LISAA ?
Je me suis vraiment senti évoluer au cours de mon Bachelor à LISAA. J’ai fait de très belles rencontres. J’ai beaucoup appris, beaucoup échangé. On s’y sent bien, il y a de la place pour travailler, de très bons profs et encadrants, on participe à des projets professionnels inspirants et on a accès à un super matériel pour créer comme on veut avec des machines à coudre, des thermocolleuses, de la découpe laser, de la broderie on a même des machines pour la maille.
Comment tu as imaginé ta collection ?
Tout a commencé en août 2022. Je regardais un reportage sur le mouvement impressionniste, j'ai vu un extrait sur Henri-Edmond Cross qui a peint un motif que j’ai trouvé très beau. Je l’avais mis dans un coin de ma tête et finalement c’est devenu le motif de ma collection de fin d’études.
Il y a eu beaucoup de questionnements. : je voulais faire de la femme et j'ai fait de l'homme, je ne voulais pas faire de tailleurs et j’en ai fait quand même [rires]. Il faut avoir beaucoup d’imagination et aussi beaucoup de goût. Créer une collection c’est comme de la broderie, on prend des choses à droite à gauche qu’on mélange entre elles, parfois on ajoute de nouvelles choses, parfois on se débarrasse de certaines, jusqu'au résultat final.
Quelles ont été les étapes de ton processus créatif ?
Je me suis créé tout un univers autour de ce tableau d’Henri Edmond Cross. Je me suis imaginé une histoire, celle d’un parisien qui travaille dans un bureau et qui plaque tout pour aller se cacher dans le maquis. J’ai ensuite dessiné une cinquantaine de silhouette que j’ai immédiatement accessoirisées. Puis je me suis lancé sur le modélisme en commençant par les grosses pièces puis les pantalons et enfin les plus petits vêtements. J’ai essayé d’être mon propre designer.
Au début c’est dur car on n’a pas le rapport au temps et il passe très vite. Typiquement les plans des vêtements ça prend beaucoup de temps et c’est une étape essentielle. On avait une demande de 18 vêtements à faire ce qui m’a donné 7 silhouettes. Et on veut réussir.
Quels ont été tes beaux moments durant la création de cette collection ?
Ce que j'aime dans la création, c'est les idées qu’on peut avoir par moments, qui arrivent d’un coup. Et j’aime aussi quand le vêtement est fini, quand on réalise ce qui a été fait c’est très satisfaisant. J’ai eu beaucoup de moments de fierté durant la création de ma collection, notamment lors des étapes finales de montage de mes pièces, quand on se rend compte que tout est bien, que tout est beau. Et le plus beau moment de fierté a été pendant les jurys. J’ai ressenti beaucoup de reconnaissance du travail que j’avais accompli et j’étais vraiment touché. Quand les gens viennent voir une collection et qu’on voit leurs yeux briller, on voit qu’ils sont touchés par la collection, c'est ça que j'aime.
Et le défilé, c’était l’étape finale ?
Oui, c'était l'événement qu'on attendait tous et on était en condition d'un vrai défilé professionnel et dans un lieu magnifique. On a suivi le maquillage, on a fait les échauffements, la préparation des mannequins. On avait de supers mannequins sélectionnés par l’école. Les mannequins qui portaient mes pièces étaient grands, avec des dégaines marquantes donc ça me plaisait bien, ça allait avec ma collection.
J’ai essayé de ne pas stresser. On a travaillé dur pendant trois ans et on a eu la chance d’être sélectionnés alors je voulais vivre ce moment à fond. Il y avait mes amis et ma famille, ils ont pu voir eux aussi ce que j’ai été capable de créer après 3 ans à LISAA. J’ai ressenti une immense fierté.
Pendant le défilé, je me suis senti comme un designer de mode.
J’ai un peu stressé pour le final, quand il a fallu défiler devant tout le public. C’est tellement impressionnant de se retrouver face à 800 personnes. Mais en même temps j’étais fier car je savais qu’ils nous applaudissaient les autres créateurs et moi, donc c’était un moment d’euphorie. En plus, j’ai obtenu le prix du jury et major de promotion donc j’étais vraiment très heureux.
Qu’est-ce qui te plait dans la mode ?
Ce que j’aime dans la mode c’est cette liberté de créer un univers, une histoire et raconter des choses. Je trouve qu’on retrouve ça chez les drag queens, elles prennent des références pour jouer avec et faire passer un message. J’aime la mode drôle, un peu comme on retrouvait dans les pièces de Virgil Abloh qui faisait des sacs avions, des sacs bateaux, des sacs colorés avec beaucoup de motifs. C’est cette mode là que j’aime.
Quelle serait ta pièce emblématique ?
Le tailleur. Je trouve que c’est une pièce forte. Ça rend charismatique. Ça peut être à la fois très strict mais très cool en fonction de la manière de le porter.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Je cherche actuellement un stage et je vais participer au concours de Dinan, on doit revisiter la marinière donc ça peut être super cool.
Mon rêve ça serait de créer ma marque. Je vais déposer mon nom et mon logo pour commencer. Et j’aimerai faire comme la villa Noailles, inviter des designers de mode et travailler en groupe, faire deux fashion week par an. J’aime travailler en équipe, je trouve ça inspirant. Et j’aime aussi avoir la direction artistique d’un groupe. J’aime le partage, la discussion des idées. Au final, la mode c’est aussi du partage.